La cession d’un fonds de commerce est fréquemment précédée de la conclusion d’une promesse de cession, en ce qu’elle permet par exemple au cessionnaire de trouver un financement ou de lui permettre de réaliser un audit du fonds ou encore obtenir une autorisation administrative préalable d’exercer une activité particulière.
Deux types de promesses doivent cependant être distinguées, n’obéissant pas au même régime juridique : la promesse unilatérale, d’une part (I), et la promesse synallagmatique, d’autre part (II).
I. LA PROMESSE UNILATÉRALE DE VENTE D’UN FONDS DE COMMERCE
La promesse unilatérale de vente est définie par l’article 1124 alinéa 1er du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, comme un avant-contrat par lequel un promettant accepte de vendre un bien à un certain prix à un bénéficiaire qui, de son côté, se voit reconnaître une option d’achat pendant un certain délai, aux conditions stipulées par le promettant.
À la différence d’une offre de cession, seul le promettant s’engage à titre définitif. Le bénéficiaire, quant à lui, demeure libre d’acheter ou de ne pas acheter.
La promesse peut éventuellement prévoir :
- ♣ Une indemnité d’immobilisation à la charge du bénéficiaire au cas où il ne lèverait pas l’option, correspondant au prix de l’exclusivité qui lui a été consentie (Cass. 1ère civ., 5 déc. 1995, n° 93-19.874). 1️ Attention, elle se distingue d’une clause pénale en ce qu’elle ne vient pas sanctionner forfaitairement l’inexécution d’une obligation à la charge du bénéficiaire (Cass. 1ère civ., 6 oct. 2021 n° 19-15035).
Le montant de l’indemnité ne peut excéder 10% du prix de vente du fonds de commerce, puisqu’au-delà, l’indemnité peut s’analyser en une contrainte obligeant le bénéficiaire à l’achat et transformant la promesse unilatérale de vente en promesse synallagmatique de vente (Cass. 3ème civ., 26 sept. 2012, n° 10-23.912).
- ♣ Une faculté de dédit à la charge du vendeur, et non pour le bénéficiaire, qui n’est jamais obligé d’acheter. En effet, ce dernier s’est engagé à vendre dans la promesse mais il est possible de prévoir une possibilité de se rétracter ;
- ♣ Une clause de substitution, dans le bénéfice du droit d’option offert au bénéficiaire.
Cette clause de substitution est notamment stipulée lorsque le bénéficiaire de la promesse est une société en formation, de façon à ce que la société puisse se substituer aux fondateurs, lorsqu’elle sera immatriculée.
LE FORMALISME DE LA PROMESSE UNILATÉRALE
La promesse unilatérale de vente d’un fonds de commerce correspond en réalité à une promesse unilatérale au sens du droit commun des contrats (C.civ., art. 1124) et doit a minima indiquer :
- ♣ Le délai dont le bénéficiaire dispose pour lever l’option ;
- ♣ Les modalités de la levée d’option.
Ensuite, la question se pose s’agissant du formalisme lié à la cession du fonds de commerce. En effet, les actes de cession de fonds de commerce, avant la loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés ; devaient comporter les mentions obligatoires prévues à l’article ancien
L. 141-1 du Code de commerce. Depuis, ces mentions ne sont plus obligatoires mais simplement conseillées au titre du droit à l’information du cessionnaire.
Toutefois, la question s’est posée de soumettre les promesses aux formalités prévues à l’article ancien L. 141-1 du Code de commerce, comme pour les actes de cessions.
La doctrine, ainsi que la jurisprudence, continuent à être divisées autour de la question de savoir si l’absence des mentions autrefois obligatoires vicient (CA Montpellier, 28 mars 2006, n° 04/05555), ou non (CA Douai, 2 juill. 2015, n° 14/03200), le consentement des bénéficiaires, montrant que les mentions doivent bien s’appliquer ou non.
Par conséquent, comme l’acte de cession, il reste très important d’indiquer les mentions obligatoires dans la promesse unilatérale de vente. En effet, même si le bénéficiaire de la promesse n’est pas engagé à acheter, son consentement n’est éclairé que s’il a ces informations, permettant également d’assurer sa protection juridique.
De fait, il est conseillé de stipuler, au titre de l’article L. 141-1 ancien du Code de commerce, les mentions obligatoires suivantes :
1) Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;
2) L’état des privilèges et nantissements grevant le fonds de commerce ;
3) Le chiffre d’affaires réalisé par le vendeur durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;
4) Les résultats d’exploitation réalisés par le vendeur pendant le même temps ; et
5) Le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu.
LA VALIDITÉ DE LA PROMESSE UNILATÉRALE CONDITIONNÉE À SA CONSTATATION
Selon l’article 1589-2 du Code civil, la promesse unilatérale doit, à peine de nullité absolue (Cass. 3ème civ.,7 juill. 1982, n° 81-13.361), être constatée par acte authentique ou par acte sous seing privé enregistré dans le délai de 10 jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire.
Ici, l’acceptation correspond à la manifestation de volonté par laquelle le bénéficiaire accepte la promesse de vente en tant que promesse, et non la vente elle-même, si bien qu’il conserve la liberté d’acquérir ou de ne pas acquérir (Cass. 3ème civ., 6 mars 1973, n° 71-12.785).
- • Lorsque la promesse est constatée par acte authentique :
Elle devra être enregistrée au service de la publicité foncière.
- • Lorsque la promesse est faite sous seing privé :
L’enregistrement doit être fait à la recette des impôts du domicile de l’une des parties, à la diligence de l’une d’entre elles (Cass. com., 26 nov. 1979 : D. 1980, IR p. 570). Selon l’article 680 alinéa 1er du Code général des impôts, ledit enregistrement donne lieu au paiement d’un droit fixe de 125 euros.
Lorsque la promesse sous seing privée est faite sous conditions suspensives, elle doit être enregistrée dans les 10 jours qui suivent sa conclusion et non dans les 10 jours suivant la réalisation de la condition suspensive à laquelle la promesse était subordonnée, dans la mesure où, au visa de l’article 1124 du Code civil, ladite réalisation de cette condition a pour effet de faire rétroagir le contrat à la date de son acceptation (Cass. 3e civ., 22 nov. 1995 : RJDA 3/96, n° 392).
La promesse non enregistrée encourant la nullité absolue, elle ne peut produire aucun effet.
Cette formalité de l’enregistrement ne s’impose qu’à raison de l’existence d’une promesse unilatérale mais reste cantonnée à une interprétation stricte des cas pour lesquels elle est nécessaire.
Par exemple, elle n’est pas requise pour les promesses unilatérales de vente, dans lesquelles le jour même de la promesse, le bénéficiaire manifeste sa volonté d’acquérir, rendant ainsi la promesse synallagmatique (Cass. 3ème civ., 28 janv. 2003, n° 01-16.591).
Également, elle n’est pas applicable à une promesse unilatérale de vente contenue dans une transaction entre les parties (Cass. 3ème civ., 26 mars 2003, n° 01-02.410).
LA RÉVOCATION DE LA PROMESSE UNILATÉRALE PAR LE PROMETTANT
Depuis la réforme du droit des contrats et des obligations de 2016, l’article 1124 alinéa 2 du Code civil énonce que « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul. »
Par conséquent, la vente du fonds à un tiers demeure possible s’il est de bonne foi et ne connaissait pas l’existence de la promesse unilatérale. La vente sera valable et le bénéficiaire de la promesse n’aura droit qu’à des dommages et intérêts, sur le fondement d’une action en responsabilité.
Le bénéficiaire peut faire annuler la vente du fonds en cas de mauvaise foi du tiers (C.civ., art. 1124 al.3) et, si l’on suit cette logique empruntée au droit commun, se substituer à lui dans la conclusion de la cession.
II. LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE D’UN FONDS DE COMMERCE
Dans le cadre d’une promesse synallagmatique, le vendeur s’engage à vendre et l’acheteur s’engage à acquérir. La vente est donc conclue même si elle est subordonnée à la réalisation d’une condition suspensive. Ce n’est donc pas réellement une promesse mais un contrat définitif. Elle emporte transfert de propriété et de la charge des risques y afférents (C. civ., art. 1589).
Elle se retrouve alors soumise au droit commun des promesses de vente ainsi qu’au droit spécial de la vente du fonds de commerce.
UNE PROMESSE SYNALLAGMATIQUE ASSORTIE DE CONDITIONS SUSPENSIVES
La promesse de vente est généralement signée sous condition suspensive, telle que :
- ♣ La réalisation d’un audit,
- ♣ L’obtention d’un financement par le repreneur,
- ♣ La réalisation de certains évènements (atteinte d’un niveau de chiffre d’affaires, signature d’un contrat en suspens, renouvellement d’une autorisation, etc.),
- ♣ L’accord éventuel d’un tiers (franchiseur, fournisseur lié par un contrat intuitu personae).
Le plus souvent, la promesse est conclue sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt par le cessionnaire. Le bénéficiaire peut y renoncer si elle défaille, soit s’il n’obtient pas son prêt (Cass.com., 3 fév. 2015, n°10-27.513). En application de l’article 1304-3 du Code civil, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.
Si la condition se réalise, la vente rétroagit à la date de la signature de la promesse. Dans le cas contraire, le contrat devient caduc et les parties sont libérées.
LES MENTIONS OBLIGATOIRES DE LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE
En principe, la promesse synallagmatique de cession vaut cession, ce qui justifie qu’elle doive comporter les mentions obligatoires que la loi impose dans ce cas (Cass. com., 24 avr. 1981, n° 79-14.912 : Bull. civ. IV, n° 184).
Au même titre que les actes de cession de fonds de commerce, avant la loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, il est recommandé que la promesse de cession comporte les mentions obligatoires prévues à l’article L. 141-1 ancien du Code de commerce.
Ces mentions sont les suivantes :
1) Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;
2) L’état des privilèges et nantissements grevant le fonds de commerce ;
3) Le chiffre d’affaires réalisé par le vendeur durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;
4) Les résultats d’exploitation réalisés par le vendeur pendant le même temps ; et
5) Le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu.
L’article étant aujourd’hui abrogé, ces mentions ne sont plus obligatoires. Toutefois, le consentement du repreneur et la fixation du prix pouvant dépendre de certaines de ces informations, il est conseillé au vendeur de continuer à les insérer dans les promesses de cession.
L’ENGAGEMENT DÉFINITIF DES PARTIES À LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE
Par principe, la promesse synallagmatique de cession vaut cession en ce qu’elle constate un accord ferme du vendeur et du repreneur sur le prix et les conditions essentielles de la cession du fonds de commerce. Elle oblige les deux parties et rend définitif le contrat.
De fait, au regard du droit commun des contrats, si l’une des parties se rétracte, l’autre peut en demander la résolution ou l’exécution forcée (C.civ., art. 1217).
Pour se prévaloir de la rétractation inopinée d’une des parties, des clauses peuvent être stipulées pour dissuader les parties de s’y soustraire, comme :
- • Une clause de dédit / clause résolutoire
Cette clause donne à l’une et l’autre des parties la faculté de se rétracter pendant une période déterminée moyennant le versement d’une indemnité.
- • Une clause pénale
La clause pénale a pour but d’assurer l’exécution des obligations contractées et soumet la partie qui se rétracte au paiement d’une pénalité.
La fixation du montant de cette clause est encadrée par les dispositions de l’article 1231-5 du Code civil, donnant le pouvoir au juge de « modérer ou augmenter la pénalité qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».
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