Si une entreprise vous doit de l’argent mais qu’elle vient d’être placée en procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire), vous ne pouvez plus la poursuivre en paiement.
Vous devez déclarer votre créance entre les mains du mandataire judiciaire dans les deux (2) mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales – site consultable en ligne).
La déclaration de créance est un acte juridictionnel. C’est l’objet du présent article.
I. Quel est le délai pour déclarer sa créance ?
Le délai de déclaration est de deux (2) mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC.
Attention : aucun délai supplémentaire n’est consenti au créancier en cas de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire. Le prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d’observation d’un redressement judiciaire n’ouvre pas une nouvelle procédure collective et donc, n’emporte pas soumission des créanciers à l’obligation de déclarer une nouvelle fois leur créance.
S’agissant des créanciers hors de la France métropolitaine, le délai de déclaration est augmenté de deux (2) mois (délai total de quatre (4) mois).
Si le débiteur est situé en outre-mer et que le créancier est situé en France métropolitaine, le délai est également augmenté de deux (2) mois (délai total de quatre (4) mois).
Le délai court à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales). Ainsi, à défaut de publication du jugement d’ouverture au BODACC, le délai de déclaration ne court pas contre le créancier.
En cas d’annulation du jugement d’ouverture par la cour d’appel et ouverture par elle d’une autre procédure, de nouveaux délais de déclaration sont ouverts aux créanciers qui n’ont pas déclaré leurs créances. Le nouveau délai court donc à compter de la publication au BODACC du nouveau jugement. Il en est même quand la cour d’appel qui annule le jugement ouvre elle-même une procédure. C’est également le cas quand la cour d’appel infirme le jugement (de liquidation judiciaire) pour ouvrir une autre procédure (redressement judiciaire) par la cour d’appel.
Le créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai est forclos. Il faudra qu’il fasse une demande en relevé de forclusion. S’il ne le fait pas, il sera forclos et sa créance ne pourra donner lieu à répartition ou distribution.
La demande de relevé de forclusion suppose des motifs et une procédure particulière. En effet, selon l’article L. 622-26 du Code de commerce :
« A défaut de déclaration dans les délais prévus à l’article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
Les créances et les sûretés non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Dans les mêmes conditions, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
L’action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d’ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l’article L. 3253-14 du code du travail, de l’expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l’avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l’impossibilité de connaître l’obligation du débiteur avant l’expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu’il ne pouvait ignorer l’existence de sa créance ».
Le créancier doit apporter la preuve qu’il ne pouvait satisfaire à son obligation de déclaration.
Ce sont les juges du fond qui apprécient que le retard est dû ou non au fait du créancier. Voici quelques exemples de faits qui ont pu justifier le retard du créancier :
- – L’erreur commise par le créancier sur la personne du représentant des créanciers, alors qu’une même société de dénomination identique était également soumise à une procédure collective dans le même département (CA Aix-en-Provence, 10 oct. 1990 : JurisData n° 1990-048201) ;
- – Le créancier est sans rapport d’affaires avec le débiteur dont il ignore la procédure collective (Cass. com., 27 mars 1990 : Bull. civ. IV, n° 92 ; JCP G 1990, IV, p. 280) ;
- – La bailleresse, personne physique, qui n’avait aucune raison de suspecter l’existence des difficultés économiques de la preneuse, qui lui réglait ponctuellement ses loyers (Cass. com., 10 juin 2008, n° 07-14.017 : JurisData n° 2008-044363 ; Act. proc. coll. 2008, alerte 208) ;
- – Le créancier est dans un état de détresse psychologique (CA Rouen, 23 févr. 2012, n° 11-01.204 : JurisData n° 2012-008037 ; Rev. proc. coll. 2012, comm. 140, F. et M.-N. Legrand).
Par ailleurs, le simple fait que le créancier soit omis de la liste remise par le débiteur lui permet d’obtenir un relevé de forclusion.
La demande en relevé de forclusion peut émaner du créancier ou d’un de ses préposés si celui-ci est titulaire d’une délégation de pouvoir régulière.
En pratique, la demande en relevé de forclusion s’effectue souvent par requête adressée par lettre recommandée au greffe. La procédure est introduite devant le juge-commissaire. La demande en relevé de forclusion, qui a une nature contentieuse, suppose le respect du principe du contradictoire.
Le délai de l’action en relevé de forclusion est de six (6) mois à compter de la publication du jugement d’ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l’article L. 3253-14 du Code du travail (l’AGS), de l’expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions.
Enfin, pour les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l’avis qui leur est donné.
II. Quel est la nature juridique de la déclaration de créance ?
La déclaration de créance est assimilée à demande en justice par laquelle le créancier demande au juge-commissaire, par l’intermédiaire du mandataire judiciaire, le paiement de sa créance dans le cadre de la procédure collective du débiteur.
La déclaration de créance équivaut à une demande en justice. Par conséquent, elle a un effet interruptif de la prescription. En effet, d’après l’article L. 622-25-1 du Code de commerce : « La déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites ».
Ce principe se justifie par le fait que le créancier est dans l’impossibilité d’agir contre le débiteur jusqu’à la clôture de la procédure collective. En effet, même si la créance est admise au passif du débiteur, cela ne permet pas au créancier de reprendre les poursuites. Il est contraint d’attendre le versement de dividendes (par exemple dans le cadre d’un plan de redressement) ou de fonds dans le cadre de la distribution (par exemple, en cas de cession d’actifs isolés en liquidation judiciaire). C’est la raison pour laquelle l’effet interruptif de la prescription par la déclaration de créance dure, non jusqu’à l’admission de la créance, mais jusqu’à la clôture de la procédure collective.
La déclaration de créance interrompt aussi la prescription à l’égard de la caution, simple ou solidaire, jusqu’à la clôture de la procédure collective.
III. Qui doit déclarer la créance ?
La déclaration de créance peut être réalisée par le créancier lui-même ou par un préposé ou mandataire de son choix (la créance peut être déclarée par un avocat pour le compte du créancier – les avocats sont désormais dispensés d’un pouvoir spécial).
Si le créancier est une personne morale (par exemple, une société commerciale), la déclaration doit en principe émaner des représentants légaux, dirigeants en place, administrateur provisoire ou liquidateur amiable selon la situation de l’entreprise concernée.
Si le créancier est lui-même en liquidation judiciaire, la déclaration doit être effectuée par son liquidateur judiciaire.
Il est précisé que si la déclaration qui n’est pas faite par le créancier lui-même, mais par un préposé, ou un tiers (exemple : société de recouvrement par exemple), la question de la régularité de la délégation de pouvoir ou du mandat se pose. En tout état de cause, il est désormais possible pour le créancier de ratifier la déclaration jusqu’à ce que le juge statue.
Par ailleurs, la créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur lui-même (dans les huit (8) jours qui suivent le jugement d’ouverture, le débiteur doit remettre la liste des créanciers au mandataire judiciaire) fait présumer de la déclaration de sa créance par son titulaire, mais seulement dans la limite du contenu de l’information fournie au mandataire judiciaire par le débiteur.
Toutefois, selon la jurisprudence, bien que la créance portée par le débiteur à la connaissance du mandataire judiciaire fasse présumer la déclaration de sa créance par son titulaire, elle ne vaut pas reconnaissance par le débiteur de son bien-fondé. Par conséquent, le débiteur peut ultérieurement la contester (Com. 23 mai 2024, FS-B, n° 23-12.133 ; Com. 23 mai 2024, FS-B, n° 23-12.134).
IV. Qui sont les créanciers et les créances concernés ?
Tous les créanciers sont concernés (y compris l’Etat).
Pour savoir si une créance doit être déclarée sur le fondement des articles L. 622-24 et suivants du Code de commerce ou doit au contraire bénéficier de la règle de l’article L. 622-17 du Code de commerce, il faut tenir compte de son fait générateur et non de sa date d’exigibilité.
La créance n’a pas besoin d’être exigible pour être déclarée. Il suffit que la créance ait pris naissance avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.
Il est précisé que les créances résultant d’un contrat de travail sont expressément dispensées de la déclaration de créance. Cela évite aux salariés de se préoccuper de la procédure collective et du sort de leurs créances. Ce sera au mandataire judiciaire d’établir le relevé des créances salariales.
Il existe une autre catégorie de créances soumises à déclaration : il s’agit des créances postérieures au jugement d’ouverture qui n’entrent pas dans la catégorie des créances privilégiées de l’article L. 622-17.
Cet article L. 622-17 du Code de commerce vise les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pour son activité pendant cette période. La règle est reprise à l’article L. 641-13 en cas de liquidation judiciaire.
Entrent dans la catégorie des créances à déclarer toutes les créances postérieures qui n’entrent pas dans les créances visées à l’article L. 622-17 du Code de commerce. En effet, parmi toutes les créances considérées par la jurisprudence comme postérieures, beaucoup d’entre elles ne bénéficieront plus du paiement à échéance. Elles doivent donc être déclarées.
Quid si la créance si la demande en paiement concernant une créance postérieure est rejetée par le juge du droit commun au motif qu’elle n’entre pas dans les conditions de l’article L. 622-17 du Code de commerce (ou L. 641-13 pour la liquidation judiciaire) ? Elle devra être déclarée mais en pratique, ce sera souvent trop tard, le délai étant expiré. Selon l’article R. 622-15 du Code de commerce, sont réputées avoir été déclarées les créances qui sont rejetées de la liste des créances postérieures utiles par le juge-commissaire.
V. Quelle forme doit prendre la déclaration de créance ?
Il n’y a pas de forme particulière.
La déclaration de créance doit être faite entre les mains du mandataire judiciaire de la procédure collective du débiteur.
En pratique, il est recommandé d’envoyer la déclaration de créance par lettre recommandée avec accusé de réception à l’Etude du mandataire judiciaire (pour prouver que le délai a été respecté).
Le montant de la créance doit être mentionné dans la déclaration de créance, qu’il soit ou non fixé.
La déclaration doit contenir les justificatifs de nature à prouver l’existence et le montant de la créance. En cas de contestation et lorsque les éléments justificatifs paraissent insuffisants, le créancier devra apporter des éléments de preuve complémentaires.
S’il s’agit d’une créance en monnaie étrangère, il faudra réaliser la conversion en euros selon le cours du change à la date du jugement d’ouverture.
Si le montant de la créance n’est pas définitivement fixé, la créance est en principe déclarée sur la base d’une évaluation (il est interdit de faire des déclarations provisionnelles).
Par exception, sont admis à procéder à une déclaration dite provisionnelle le Trésor public, les organismes de prévoyance et de sécurité sociale, les organismes visés à l’article L. 351-21 du Code du travail devenu l’article L. 3253-14 (AGS), pour les créances qui n’ont pas été authentifiées par l’institution par un titre exécutoire (avis de mise en recouvrement, rôle pour les créances fiscales, contrainte pour les créances de sécurité sociale) au moment de leur déclaration. À défaut d’émission du titre dans le délai, le créancier sera forclos.
VI. Que se passe-t-il après avoir déclaré la créance ?
Il n’y a pas de forme particulière.
La déclaration de créance doit être faite entre les mains du mandataire judiciaire de la procédure collective du débiteur.
En pratique, il est recommandé d’envoyer la déclaration de créance par lettre recommandée avec accusé de réception à l’Etude du mandataire judiciaire (pour prouver que le délai a été respecté).
Le montant de la créance doit être mentionné dans la déclaration de créance, qu’il soit ou non fixé.
La déclaration doit contenir les justificatifs de nature à prouver l’existence et le montant de la créance. En cas de contestation et lorsque les éléments justificatifs paraissent insuffisants, le créancier devra apporter des éléments de preuve complémentaires.
S’il s’agit d’une créance en monnaie étrangère, il faudra réaliser la conversion en euros selon le cours du change à la date du jugement d’ouverture.
Si le montant de la créance n’est pas définitivement fixé, la créance est en principe déclarée sur la base d’une évaluation (il est interdit de faire des déclarations provisionnelles).
Par exception, sont admis à procéder à une déclaration dite provisionnelle le Trésor public, les organismes de prévoyance et de sécurité sociale, les organismes visés à l’article L. 351-21 du Code du travail devenu l’article L. 3253-14 (AGS), pour les créances qui n’ont pas été authentifiées par l’institution par un titre exécutoire (avis de mise en recouvrement, rôle pour les créances fiscales, contrainte pour les créances de sécurité sociale) au moment de leur déclaration. À défaut d’émission du titre dans le délai, le créancier sera forclos.
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